Verif'

Quand les violences en France nourrissent les fausses informations dans le monde

par Felicia SIDERIS & Caroline QUEVRAIN
Publié le 3 juillet 2023 à 18h42

Source : Sujet TF1 Info

Les scènes de violences urbaines en France font aussi les gros titres de la presse étrangère.
Mais des images décontextualisées agitent la complosphère.
Nous avons vérifié six de ces vidéos.

Il n'y a pas que dans les journaux français que la vague de violences urbaines rythme l'actualité. À l'étranger aussi, les images impressionnent. Les photos des pillages s'affichent en Une et les vidéos des destructions suite à la mort de Nahel, le mardi 27 juin, font le tour du monde. Si bien que dans certains pays, on croit déjà à la "chute de la France", pour citer un hashtag devenu viral sur Twitter ce lundi (#FranceHasFallen). Mais, parmi les vidéos authentiques venues de l'Hexagone, se cachent un bon nombre de fausses informations.

Des exactions qui n'ont pas été commises en France

Des voitures détruites depuis un parking aérien

Souvent, les images ne sont accompagnées que de quelques mots. C'est le cas avec une publication du 1er juillet sur laquelle on lit simplement : "P... qu'est-ce qu'il se passe en France ?" La vidéo qui accompagne le message montre une dizaine de véhicules détruits depuis un parking aérien. Après une chute de plusieurs étages, les voitures partent en fumée. 

Sauf que ces images n'ont pas été prises en France. Surtout, elles relèvent de la mise en scène. Elles proviennent du tournage du film Fast and Furious 8, comme en atteste le tweet ci-dessous. La séquence a été tournée à Cleveland, dans l'Ohio, en 2016, bien loin des violences urbaines qui secouent la France, tant au niveau géographique que chronologique.

Des manifestants à bord d'un véhicule de police

À l'instar de cette première fausse information, de nombreuses publications attribuent à tort certaines actions aux émeutiers. C'est le cas de cette image de jeunes manifestants, drapeau tricolore à la main, dans un fourgon de police, accompagnée du message "l'insurrection est belle". Sauf que quiconque a suivi les sorties cinéma en France reconnaîtra la scène. Elle provient directement du film Athena, de Romain Gavras, sorti en septembre dernier sur Netflix. On retrouve cette image diffusée le 29 juin par la plateforme sur ses réseaux sociaux. C'est d'ailleurs aussi sur Twitter que le film français refait parler de lui pour son caractère jugé "prophétique".

Un immeuble d'habitation incendié 

Une autre vidéo prétend quant à elle que les fauteurs de trouble s'en sont pris à un immeuble d'habitation. "Cette tour va-t-elle s'effondrer comme les tours jumelles du World Trade Center, le 11 septembre ?", s'interroge l'un des internautes qui partage les images d'une haute tour embrasée, accompagnée du hashtag "France en feu" (#FranceOnFire). Encore une fois, on est très loin de Paris. La séquence est authentique, mais elle montre l'incendie d'une tour à Ajman, aux Émirats arabes unis, dans la soirée du 23 juin. Si les flammes sont impressionnantes, elles n'ont fait aucune victime, comme le relatait Skynews.

Des individus lourdement armés ?

Des snipers aux mains des casseurs 

Quand ce ne sont pas les actes qui sont pointés du doigt, ce sont les moyens. Si notre enquête diffusée vendredi prouve la facilité avec laquelle les fauteurs de trouble se procurent des mortiers d'artifice, certains assurent que leur arsenal est bien plus conséquent. À l'instar de cette vidéo, vue près de dix millions de fois, sur laquelle un homme tient ce qui est présenté comme un sniper. "Des tireurs d'élite ont été repérés sur les toits. C'est littéralement une guerre civile qui se tient en France", écrit l'un des internautes qui partage les images. D'une part, il ne s'agit pas d'un sniper, mais d'une carabine à plomb, principalement utilisée en France pour la chasse. Sauf que ces images remontent au moins à mars 2022, comme l'a montré le compte de vérification HoaxEye. Si l'on ne sait pas clairement l'origine de cette séquence prise à Villiers-sur-Marne, dans le Val-de-Marne, elle est antérieure à la vague de violences urbaines.

ENQUÊTE - Mortiers d'artifice : comment stopper la prolifération ?Source : JT 20h WE

L'utilisation d'armes lourdes

Il est aussi question d'armes pour ces internautes anglais qui décrivent une France "en guerre". Preuve en est l'utilisation d'armes lourdes par les manifestants. Une vidéo, partagée par le dirigeant du parti d’extrême droite Britain First prétend montrer "des émeutiers armés montrant leur arsenal d'armes en France". Cette scène n'a aucun rapport avec les violences perpétrées dans le pays depuis la mort du jeune Nahel et remonte à trois ans plus tôt. Elle se déroule à Dijon à l'été 2020, lorsqu'un gang tchétchène de Dijon appelait à se venger après l'agression d'un adolescent par un groupe rival. Une enquête avait alors été ouverte après une série d'incidents dans la ville. 

D'autres comptes anglophones ont partagé des images de manifestants français, qui seraient lourdement armés de fusils AK-47. Une scène à peine croyable pour un public français. Et pour cause : la vidéo utilisée est celle de l'attentat terroriste meurtrier du 7 janvier 2015 à Paris, contre le magazine satirique Charlie Hebdo. Elle montre ainsi les frères Kouachi remonter dans un véhicule après avoir assassiné douze personnes dans les locaux du journal, dans le 11e arrondissement de la capitale. 

Le renfort de l'armée contre les émeutiers 

Toujours vue de l'étranger, la réponse sécuritaire apportée dans plusieurs villes de France relèverait d'une véritable dictature. D'après ce compte Twitter, qui n'hésite pas à assimiler le pays à un "État policier fasciste", "Macron utilise des unités tactiques lourdement armées et des véhicules blindés contre des manifestants civils". Pourtant, ces camions n'ont pas été utilisés pour transporter des troupes et l'armée n'a pas été réquisitionnée. Selon le gouvernement militaire de Paris, cité par Les Observateurs de France 24, "il n'y a eu aucun déploiement de l'armée suite aux émeutes".

Le tweet d'origine mentionne d’ailleurs l’intervention du RAID à Marseille. Ce qui est bien le cas. Des unités d’intervention de la BRI, du RAID, deux unités de la police nationale et du GIGN, le groupe d’intervention de la gendarmerie nationale, ont bien été déployées par le ministère de l'Intérieur pour faire face aux violences urbaines. 

Vous souhaitez nous poser des questions ou nous soumettre une information qui ne vous paraît pas fiable ? N'hésitez pas à nous écrire à l'adresse lesverificateurs@tf1.fr. Retrouvez-nous également sur Twitter : notre équipe y est présente derrière le compte @verif_TF1LCI.


Felicia SIDERIS & Caroline QUEVRAIN

Tout
TF1 Info