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Cannabis : la France est-elle la "championne de l'addiction chez les mineurs" ?

Publié le 3 avril 2024 à 19h57

Source : TF1 Info

Si l'Allemagne a légalisé ces derniers jours le cannabis, un projet analogue n'est pas envisagé en France.
Certains souhaiteraient toutefois s'inspirer de nos voisins et dépeignent une France "championne de l'addiction chez les mineurs".
En baisse chez les ados français, la consommation de cannabis reste bel et bien élevée, surtout celle définie comme à "haut risque".

L'Allemagne est devenue le 1ᵉʳ avril le troisième pays de l'UE à légaliser l'usage récréatif du cannabis. À la faveur d'une réforme, la possession de 25 grammes de cannabis séché dans les lieux publics est désormais autorisée. Il en va de même pour la culture à domicile, avec la possibilité de compter jusqu'à 50 grammes et trois plants par adulte.  

Avant de démissionner du parti Europe Écologie-Les Verts et du groupe à l'Assemblée nationale, le député Julien Bayou avait salué en début de semaine la réforme votée outre-Rhin. Sortir de la prohibition actuelle, estime-t-il, se révèle une nécessité. Notamment pour prévenir les usages dangereux chez les jeunes. La France, déplore l'élu, affiche aujourd'hui un regrettable statut de "championne de l'addiction chez les mineurs". Une affirmation que plusieurs chiffres tendent à accréditer.

La consommation à risque plus élevée qu'ailleurs en Europe

Pour mesurer l'ampleur de la consommation de cannabis chez les jeunes français, on peut se tourner vers les publications de l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT). En février 2021, il proposait un document de synthèse portant sur "20 ans d’évolutions des usages de drogues en Europe à l’adolescence". Les auteurs notent que "la France affiche des prévalences d’usage de cannabis à l’adolescence parmi les plus élevées d’Europe", chiffres à l'appui. En 2019, "23% des jeunes Français de 16 ans ont déclaré avoir fumé au moins une fois du cannabis au cours de leur vie et 13% au cours du mois". 

Si la France "présente ainsi des niveaux bien supérieurs à ceux constatés au niveau européen", similaires par exemple à ceux enregistrés aux Pays-Bas, c'est aussi l'un des pays "où le niveau d’usage récent a le plus baissé en 20 ans (moins 10 points)". Un recul que le gouvernement met en avant dans sa communication, bien que les niveaux de consommation demeurent élevés en valeur absolue.

Ces éléments, bien qu'instructifs, ne permettent pas à eux seuls de confirmer que la France serait la "championne de l'addiction chez les mineurs" au sein de l'UE. Pour les compléter, nous disposons d'informations relatives aux "usages à hauts risques" du cannabis chez les jeunes, compilées dans la vaste enquête ESPAD (acronyme de "European School Survey Project on Alcohol and other Drugs"). Menée avec le soutien de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (EMCDDA), celle-ci s'intéresse tous les quatre ans aux adolescents de 16 ans à travers toute l'Europe. 

Dans sa dernière édition, elle rapporte que c'est en France que l'on enregistre le plus fort taux de prévalence de consommation à haut risque. C'est-à-dire la part des jeunes concernés parmi le total des individus interrogés. Ce taux s'établit à 7,3%, soit près du double de la moyenne européenne (qui est de 4%). Un chiffre qui donne du crédit à l'affirmation de Julien Bayou.

C'est en France que l'on observe la plus forte prévalence de jeune de 16 ans qui présentent une consommation à hait risque de cannabis.
C'est en France que l'on observe la plus forte prévalence de jeune de 16 ans qui présentent une consommation à hait risque de cannabis. - European School Survey Project on Alcohol and Other Drugs (ESPAD)

Grâce à une méthodologie appliquée de manière uniforme dans l'ensemble des pays, nous pouvons disposer de comparaisons objectives à l'échelle de l'UE. L'OFDT note que "les pays dont les niveaux d’usage de cannabis à 16 ans sont comparables et les plus élevés (France, Italie, Tchéquie, Pays-Bas, Slovénie) disposent de législations relatives à l’usage de cannabis nuancées, s’agissant des sanctions possibles et de leur degré d’application". 

Cette absence d'uniformité, aux yeux de l'Office, souligne "l’absence de lien direct entre la sévérité de la loi à l’égard de l’usage et les niveaux de consommation. Que ce soit chez les adultes ou chez les mineurs, les politiques répressives ne semblent ainsi pas avoir un impact notable sur la consommation des individus. Les variations pourraient davantage être liées à des 'facteurs socioculturels (représentations sociales et contextes d’usage)'", continue l'OFDT, ainsi qu'à des "facteurs d’offre (disponibilité et accessibilité du produit, prix de vente au détail)" ou à des "politiques de prévention menées".

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Thomas DESZPOT

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