Choisir son vin bio : attention aux labels trompeurs

Publié le 22 juin 2023 à 8h30, mis à jour le 25 juin 2023 à 9h49

Source : JT 13h Semaine

Pour qualifier le vin de respectueux de l’environnement, une vingtaine de labels se disputent les bouteilles.
Plus ou moins biologiques, ces étiquettes risquent de vous perdre.
Petit précis pour vous aider à y voir plus clair.

HVE, Demeter, AB, agri-confiance… Autant de logos et de jargons pour qualifier les produits agricoles respectueux de l’environnement. Le vin ne fait pas exception. Sur les bouteilles, les labels se multiplient. Le baromètre annuel du cabinet Sowine, qui décrypte chaque année les tendances de consommation dans l'univers des vins et spiritueux, montre que plus de la moitié des acheteurs s’attachent à vérifier que la bouteille affiche une certification environnementale avant de se décider à se l’offrir. Sur Internet, 94 % des consommateurs prennent même ce reflex tandis que 75 % des experts en œnologie font pareil avant de payer.

Autrement dit, les clients s’intéressent à la protection de l’environnement, leur santé et celle des vignerons. Ils ont le choix : de plus en plus de vignes françaises se convertissent au bio, 20 % d’entre elles se cultivent désormais sans aucun produit phytosanitaire. Ces vignerons ne se servent pas d’herbicides, de produits de synthèse et ne transforment pas génétiquement leurs plans. Certaines appellations s’engagent même entièrement en bio : à partir du millésime 2023, les vins Baux-de-Provence proviennent uniquement de crus issus de l’agriculture biologique (l’ensemble des 233 hectares disposent de la certification du logo euro feuille).

Or, au moment de choisir leur bouteille, les amateurs de vin se confrontent à une véritable armée de labels. Problèmes, ils ne se valent pas tous. Privés, associatifs, incitatifs, contraignants et aux cahiers des charges plus ou moins rigoureux, ils plongent beaucoup de négociants et de viticulteurs eux-mêmes dans le flou. Voici quelques conseils pour s’y retrouver.

Eurofeuille, la certification officielle et publique

Philippe Gerard, négociant en vins en Touraine et président de l’association France Vin Bio, nous facilite d’emblée les choses. Pour lui, pas de secret, il faut s’appuyer sans aucun doute sur la certification européenne : "Il s’agit d’une feuille verte, parfois déclinée en d’autres couleurs, avec des étoiles dorées. Bio, c’est bio. Eurofeuille est le seul logo officiel, dont le vin demeure contrôlé tous les ans par un organisme certificateur différent. L’étiquette précise la provenance du pays où le raisin a été cultivé." Le règlement européen qualifie le bio ainsi : "Gestion durable pour l’agriculture, respecte les cycles naturels, maintient et améliore la santé du sol, de l’eau, des végétaux et des animaux. Ses principes sont fondés sur l'évaluation des risques et sur le recours à des mesures de précaution et à d’éventuelles mesures préventives." 

Pour en avoir le cœur net, il faut se rendre sur le site de l’Agence Bio : "Les vins bio sont sans traitement. Tous les produits qui ne sont pas autorisés sont interdits", commente le négociant. Le site internet de l’agence référence tous les commerçants bio de France et propose un annuaire sur lequel vous pourrez chercher un producteur ou un revendeur de vin grâce à son nom, son activité ou son numéro de SIRET. Pour le négociant, apposer en plus un autre label reste accessoire : "Vous avez le droit d’ajouter un label sur la bouteille pour préciser certaines caractéristiques du vin, mais ils n’en font pas un vin plus bio qu’un autre. Sans la feuille européenne, rien ne prouve que le vigneron ne se sert pas de pesticides ou de trop de sulfites". Certains producteurs ajoutent les lettres "AB" à côté de la feuille verte, cela ne dit rien de plus sur la qualité du vin : il s’agit de la déclinaison française du règlement européen.

Pour lutter contre les maladies telles que le mildiou et l’oïdium, le règlement européen autorise le viticulteur à nourrir sa plante de quelques doses de soufre (100 milligrammes par litre pour les vins rouges et 160 pour les blancs et rosés) et de cuivre (4 kg par hectare). Or, lorsque la maladie touche les vignes, les producteurs doivent souvent abandonner le bio pour revenir à une méthode plus conventionnelle, sous peine de perdre leur récolte. Dans le même temps, beaucoup d’associations dénoncent une "Europe trop souple". Elles ont développé des labels plus exigeants.

Les labels biodynamiques

En dehors de ce label officiel et reconnu dans toute l’Union européenne, vous pouvez en retrouver sur les bouteilles une vingtaine d’autres. Nature et progrès et son concurrent Bio cohérence ressemblent à la feuille verte. Ces labels luttent contre l’industrialisation du bio avec des règles similaires. Ils militent pour des surfaces cultivées plus petites. On trouve moins de soufre dans le vin labellisé Nature et progrès, mais les bouteilles sont contrôlées en interne.

Deux labels biodynamiques proposent des règles beaucoup plus strictes. Demeter impose ainsi aux vignerons de réserver 10 % de leur surface agricole aux zones de biodiversité avec des compotes obligatoires. Ils imposent des doses de sulfites moins élevées, proscrivent tout médicament et Demeter interdit même de levurer pour favoriser la transformation du moût en vin. Biodyvin est contrôlé par l’organisme indépendant Ecocert. Quant au contrôle Demeter, il est réalisé alternativement par des organismes de contrôle indépendants et des contrôleurs internes, la règle étant qu'un même domaine viticole ne doit pas être audité plus de trois années de suite par le même auditeur. 

Le label le plus exigeant demeure néanmoins Vin Nature. Il contraint les vignerons à vendanger les raisins bio à la main. Il interdit les intrants (produits d’origine non-naturelle), les actions de modification ou les recours aux techniques dites "brutales" ou "traumatisantes" (thermovinification, filtration…) pour faire pousser les vignes. En fin de fermentation, le producteur peut ajouter un souffle de sulfites dans la limite scrupuleuse de 30 mg/l.

Les labels incitatifs

Il existe également une autre famille de labels incitatifs. Les uns servent à encourager les agriculteurs à réaliser leur transition, les autres visent à protéger l’environnement et respecter le vivant. Lancée par l’État en 2012, la certification Haute valeur environnementale (HVE) préserve la biodiversité, prône une meilleure gestion de l’eau, de la fertilisation avec la mise en place d’une stratégie phytosanitaire. Objectif, engager les agriculteurs dans une démarche d’amélioration constante et de développement durable à l’image du label Agri Confiance. Terra Vitis contrôle la consommation d’eau, de carburant, d’énergie et incitent les producteurs à réduire leurs déchets. Vignerons engagés fait compléter un questionnaire à ses partenaires pour réaliser un audit du domaine, évaluer les besoins de chacun et échanger sur l’avenir du métier. Ces derniers labels s’intéressent au cheminement social et environnemental (RSE).

Bee Friendly s’intéresse aux pollinisateurs, tandis que le label Zéro résidu de pesticides porte son nom pour communiquer sans rien revendiquer. Il existe un label végan, un autre halal… Le négociant Philippe Gérard rappelle que ces labels privés restent payants pour les vignerons sans faire mouche en caisse : "Une bouteille coûte environ 15 % plus chère. Le vin demande beaucoup plus d’effort à produire avec des rendements plus faibles et plus de risques de catastrophes. Mais vous aurez peu de chances d’avoir du mauvais vin." Un marché encore très perfectible : le vin bio ne représente que 8 % des bouteilles vendues en France.


Geoffrey LOPES

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