Le rappeur Médine invité des écologistes et des insoumis : chronologie d'une polémique

Publié le 22 août 2023 à 13h24

Source : Sujet TF1 Info

Le rappeur Médine participera le 24 août à l'université d'été des écologistes au Havre, et le 26 août à celle des Insoumis près de Valence.
Mais l'artiste est décrié pour des propos jugés antisémites et d'anciennes positions homophobes ou communautaristes.
Sa participation à ces journées d'été est critiquée par la majorité de la classe politique, et en interne chez les Verts.

Tout a commencé le 31 juillet dernier. Europe Ecologie-Les Verts annonce que le rappeur Médine sera l'un des invités de ses Journées d'été organisées au Havre (Seine-Maritime) du 24 au 26 août. Le 24, il doit échanger avec la cheffe du parti, Marine Tondelier; sur le thème "La force de la culture face à la culture de la force". Le parti voit en lui un artiste engagé contre les violences policières, l'extrême droite, ou encore en faveur des quartiers populaires. "On a beaucoup de combats communs", explique Marine Tondelier alors que la polémique n'a, alors, pas encore enflé à gauche. 

À ce moment-là, dans la classe politique, l'invitation de l'artiste n'est critiquée qu'à droite et à l'extrême droite, habituées à ferrailler avec lui, le Rassemblement national l'accusant notamment d'être un "islamiste". Alors même que le rappeur est régulièrement taxé d'homophobie et d'antisémitisme. Sur Internet, plusieurs photos le montrent, il y a une dizaine d'années, en train de faire une "quenelle", geste antisémite popularisé par Dieudonné. D'ailleurs, à l'annonce de sa venue aux journées d'été des écologistes, la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra) s'indigne des "ambiguïtés trop récurrentes" d'EELV sur l'antisémitisme. Les pro-laïcité rappellent aussi que Médine a écrit dans l'une de ses chansons : "Crucifions les laïcards comme à Golgotha". Parmi eux, l'essayiste féministe Caroline Fourest dit voir "les intégristes noyauter les Verts avec facilité et délices".

Un tweet antisémite ?

Quelques jours plus tard, le 8 août, La France insoumise officialise à son tour la venue du rappeur à son université d'été, qui se tiendra du 23 au 27 août près de Valence (Drôme). Le 26 août, il doit échanger avec la cheffe des députés insoumis, Mathilde Panot, sur des sujets tels que les rapports entre le militantisme et la musique, l'engagement contre la réforme des retraites ou le combat contre l'extrême droite.

Mais les choses prennent une autre ampleur le 11 août, après la publication par Médine d'un message sur X (ex-Twitter) à destination de l'essayiste Rachel Khan, juive et petite-fille de déporté. Écrivant qu'elle est une "resKHANpée", il relance les accusations d'antisémitisme à son encontre, dont il se défend rapidement. "Aucune ambiguïté. J'ai attaqué le parcours professionnel de Rachel Khan. La formule pas adaptée, qui a certainement dû heurter des personnes et je m'en excuse, n'était pas dirigée vers sa famille ni vers les victimes du drame de la Shoah", explique-t-il alors. 

Trop tard, des voix dans la majorité se mêlent à celles de l'extrême droite et de la droite pour réclamer l'annulation des venues du rappeur aux journées d'été des écologistes et des insoumis. Et même en interne au sein des Verts, le chanteur est devenu persona non grata

Je ne peux soutenir et encore moins cautionner l'invitation de Médine.
Karima Delli

Noël Mamère regrette que le parti soit "en train de prêter le flanc à tous ceux qui nous haïssent et qui depuis quelques jours, nous traitent d'islamo-gauchistes" quand l'eurodéputée Karima Delli estime qu'"on n'invite pas quelqu'un qui n'a qu'une audience relative en tant que rappeur, mais qui a par contre une audience disproportionnée en tant que vecteur du confusionnisme politique qui sévit dans la période". En tant qu'"écologiste et femme de gauche, viscéralement attachée au respect des gens, à la liberté, l'égalité, la solidarité et la laïcité (…) je ne peux soutenir et encore moins cautionner l'invitation de Médine", ajoute-t-elle. 

Les excuses de Médine ne suffisent pas. "Quand on écrit des textes, on mesure le poids et la portée des mots", déclare la députée Francesca Pasquini. À tout le moins, "ce n'est pas suffisant", juge l'élu de Paris Julien Bayou, que les "relents antisémites immondes" du tweet initial de Médine ont mis "très mal à l'aise". Pour Sandrine Rousseau, le caractère antisémite du tweet de Médine ne fait "pas l'ombre d'un doute". Ce mardi sur BFMTV, au lendemain de l'annulation de la venue au Havre des maires de Bordeaux Pierre Hurmic et de Strasbourg Jeanne Berseghian, elle a redit que son parti "aurait pu réfléchir au fait que Médine ne vienne pas". "Il s'est excusé, j'estime que c'est un premier pas, maintenant il faut travailler avec lui pour savoir s'il a compris le caractère antisémite de ce tweet, ce qu'il n'a pas dit."

Aucune polémique en interne chez LFI

Quant à la direction du parti, elle maintient son invitation, la justifiant avec difficulté. Marine Tondelier veut croire qu'au fil du temps, Médine a "ouvert les yeux sur ses erreurs" et assume de ne pas parler qu'avec "des gens avec lesquels on est 100% d'accord". À propos du tweet polémique, elle évoque un "antisémitisme insidieux" exercé par des personnes "qui ne prennent pas conscience de la portée de leurs propos". "Ça peut être par maladresse, ça peut être par mimétisme, ça peut être par manque de culture sur le sujet, par manque de formation, par bêtise, par ignorance", "pour moi Médine est dans ce cas-là". Elle espère que son débat sera l'occasion de clarifier ses positions et de "l'amener à s'engager dans la lutte contre l'antisémitisme".

Du côté des Insoumis en revanche, la venue de Médine dans la Drôme ne fait pas polémique en interne. "Médine n'est pas raciste. Pourquoi vouloir lui faire avouer des positions qui ne sont pas les siennes après l'avoir invité ?", réagissait Jean-Luc Mélenchon sur X vendredi dernier.

"Nous sommes honorés qu'il ait répondu favorablement à cette invitation", a confirmé la députée Clémence Guetté ce mardi matin sur Franceinfo. "Nous ne pensons pas qu'il est antisémite, c'est pour ça que nous l'avons invité. Si nous le pensions, nous ne l'aurions pas invité", a-t-elle assuré. LFI voit dans cette controverse "une panique morale créée par l'extrême droite", "une polémique (...) montée contre Médine" par l'extrême droite. Or, "je pense qu'il a beaucoup de choses très intéressantes à nous dire", a aussi estimé Clémence Guetté. 


Justine FAURE

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